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Dans une interview au Figaro [1], quelques jours avant le premier tour de l’élection présidentielle mais déjà convaincu de sa victoire prochaine, Nicolas Sarkozy affirme : « En 2002, quinze jours après mon arrivée au ministère de l’Intérieur, une certaine presse a commencé à m’attaquer sur le thème : « Sarkozy fait la guerre aux pauvres. » Je me suis dit : soit je cède et je ne pourrai plus rien faire, soit j’engage la bataille idéologique, en démontrant que la sécurité est avant tout au service des plus pauvres. Depuis 2002, j’ai donc engagé un combat pour la maîtrise du débat d’idées. (…) Et la violence de la gauche à mon endroit vient du fait qu’elle a compris de quoi il s’agissait ». La leçon se poursuit, situant, contre toute attente, l’inspiration de cette bataille idéologique dans l’histoire de la gauche révolutionnaire européenne : « Au fond, j’ai fait mienne l’analyse de Gramsci : le pouvoir se gagne par les idées. C’est la première fois qu’un homme de droite assume cette bataille-là ».
L’UMP a-t-elle vraiment gagné la bataille des idées ? Comment la droite réputée “la plus bête du monde” dans les années 1980 est-elle devenue intelligente ? Il y eut le théâtre des ralliements d’intellectuels supposés qui continuent aux yeux de certains d’incarner la gauche (André Glucksman, Max Gallo, Alain Minc, Jacques Attali,…), la longue interview donnée par Nicolas Sarkozy à la revue néoconservatrice Le Meilleur des mondes, la rencontre avec le philosophe Michel Onfray pour Philosophie Magazine où le candidat s’aventurait à parler inné et acquis sans background scientifique. Mais il y eut surtout le travail de fond, bien plus discret celui-là, conduit par l’ancienne directrice des études et prospectives de l’UMP, Emmanuelle Mignon. Une offensive menée selon une stratégie idéologique troublante, mal perçue par la gauche pendant la campagne, qui emprunte à l’hélice de l’ADN sa rotation sur elle-même, tournant à la fois vers sa gauche et vers sa droite. Elle s’est traduite par l’intérêt du discours de l’UMP pour des sujets jusque-là identitaires de la gauche, s’appuyant sur les travaux de chercheurs de pointe, sans que la grille de lecture conservatrice ou libérale ne joue un rôle premier.